À l’espace Apollonia, le premier opéra Robertsauvien

À l’espace Apollonia, le premier opéra Robertsauvien

Au 17ème siècle faire l’opéra  signifiait remporter une victoire inespérée au jeu de cartes. Lors du  vernissage de l’exposition de Frantisek Zvardon, donné à l’Espace Apollonia dans le cadre de Musica, les personnes présentes ont eu le sentiment de partager un grand moment. Refaisons le parcours de cette étonnante soirée.

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Découverte du décor.

Un  bâtiment inattendu, l’Espace Apollonia, situé rue Boecklin, en face du Lieu d’Europe.

Surpris, on l’est, par une architecture inhabituelle à la Robertsau que l’on qualifie trop simplement de « quartier européen » ou, pour certains nostalgiques, de «  faubourg maraîcher ».

Etonnés dès les premiers pas, parce que, en bons lecteurs des DNA, l’on avait appris qu’un incendie avait frappé Apollonia au mois d’août ; or les cendres et les murs noircis se sont effacés pour faire place à un lieu d’exposition immaculé.

Convaincus après avoir pénétré dans le local qu’il existe, à Strasbourg, des lieux insoupçonnés, objets de patrimoine mais aussi vecteurs d’images différentes offertes à des badauds, à des observateurs attentifs ou à des collectionneurs curieux.

Les personnages qui font les honneurs des cimaises.

Ce sont les Iron Heroes, ces Héros de fer, chevaliers d’une industrie toute de feu et d’étincelles, saisis dans les positions les plus périlleuses.

Parfois solidement campés  dans leurs longs manteaux réfléchissant la chaleur des aciers en fusion.

Funambules indestructibles d’un ballet inattendu où la souplesse le partage à la grâce, armés de leurs longues perches destinées à accélérer l’écoulement des laves rougeoyantes.

Lutins follets  de Trïnec, une des plus anciennes aciéries de l’Europe de l’Est, perdus dans l’assemblage immense de cuves et de machines de leur usine.

Coup de théâtre lorsqu’en fin de soirée, l’entrée de l’Espace Apollonia se transforme en  plateau  d’une pièce nouvelle.

Les photographies de l’exposition s’animent pour devenir le film d’un récit mis en musique par Yann Robin. Ce jeune compositeur réussit l’exploit d’épouser l’argument de Frantisek Zvardon en associant « volutes de fumées lourdes d’odeurs de métal brûlé, sonorités stridentes et dissonantes ».

Les spectateurs assistent, pour beaucoup d’entre eux, à leur premier concert de musique contemporaine et, miracle, les différents actes de l’opéra dont les héros sont des ouvriers métallurgistes se déroulent face à une assistance conquise par les images comme par les sons.

L’assemblée se sépare, certains tentant des rapprochements avec  les opéras de  Richard Wagner ou des images du film Métropolis de Fritz Lang, noms peut-être plus familiers que ceux de Robin ou de Zvardon. Mais peu importe que certains recherchent cette parenté avec des artistes plus connus, si ces rapprochements ont pu contribuer à gommer les préjugés.

Apollonia, ce soir-là, a remporté la partie et « a fait l’opéra  », en enchantant un lieu et en inspirant, à l’instar de Charles Baudelaire dans le poème Correspondances, qu’une musique peut-être imprévisible n’interdit nullement que «  les couleurs et les sons se répondent ».

Jacques Gratecos

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