Histoire : Français ou Pandoures, mêmes combats.
A la Robertsau, c’est avec beaucoup d’attention que l’on suit la restauration du Canal des Français. Si les premiers résultats ont emporté le scepticisme plus que l’adhésion, peut-être est-ce dû à la place mythique qu’occupe cet ouvrage dans le cœur des Robertsauviens.
En effet c’est plutôt la nostalgie, voire la déception qui transparaît au travers des discussions avec les anciens. Ils croyaient retrouver l’endroit où, en été, ils pratiquaient nage et canotage, et c’est ce qu’ils qualifient de « fossé » ou de
« mare » qu’ils ont à présent devant les yeux.
Selon les représentations que l’on s’en fait, ouvrage militaire ou paradis des canotiers, les réactions sont bien différentes. Les moins déçus, ce sont les historiens férus de « poliorcétique », c’est ainsi que l’on désigne la technique du siège des villes. Ils soulignent que le « canal des Français » ne servait qu’à réguler les eaux des fossés de la citadelle, destinée à assurer la présence des Français, les
troupes de Louis XIV, dans le but de protéger la nouvelle frontière. Et aux Robertsauviens si fiers de voir renaître près de trois kilomètres de leur cher canal, ils rappellent que notre quartier n’abritait qu’une toute petite partie de ce qui fut une véritable voie d’eau. En effet, sur une longueur de 42,3 km, il reliait la citadelle de Strasbourg à Seltz, dans le but d’acheminer troupes et matériel de guerre.
Et les Pandoures, alors ?
Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle espèce de batraciens découverts lors des opérations de remise en eau du canal. « Pandoure » (ou « pandour ») est un terme croate désignant des troupes irrégulières dans les armées de l’empire d’Autriche, mot qui donnera en français « pandore », employé familièrement pour désigner le gendarme. Les Pandoures hantent les légendes alsaciennes depuis le 18ème siècle, au point de devenir synonymes de « croquemitaines » ou de « pères fouettards ». A l’instar des Suédois, les Pandoures rattachent les Alsaciens aux périodes de pillage et de violence dont notre région a été si souvent la victime.Tentons à présent d’oublier ce passé belliqueux d’un cours d’eau aujourd’hui bien tranquille, privilégions plutôt son caractère pacifique et songeons aux perspectives promises par les nouvelles roselières faisant miroiter le château de Pourtalès.
Jacques Gratecos